Impôt : louer sa résidence principale, des avantages et pièges fiscaux
Les ménages louant tout ou partie de leur résidence principale peuvent, par un procédé fiscal, déduire certaines charges relatives à leur l'acquisition et l'entretien de leur habitation. Comment prétendre à cet avantage fiscal ? Quels sont ses risques et limites ? Décryptage.
Et si louer sa résidence principale vous permettait d'amortir son entretien ? C'est d'ailleurs l'une des motivations principales de ceux qui mettent en location une chambre destinée à héberger des étudiants ou des travailleurs saisonniers. C'est aussi ce qui peut motiver les propriétaires mettant sur Abritel, Airbnb ou sur Leboncoin leur logement lorsqu'ils doivent s'absenter pendant quelques jours ou plusieurs semaines.
Mais l'intérêt financier ne réside pas uniquement dans les loyers perçus. En effet, par le choix du mode d'imposition de cette source de revenus, il est aussi possible d'amortir en partie certains frais relatifs à la possession et à l'entretien de sa résidence principale.
Pour rappel, les revenus générés par la location d'un bien meublé sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). A ce titre, les ménages percevant moins de 72.600 euros de revenus locatifs annuels ou moins de 176.600 euros s'il s'agit d'une location d'un meublé de tourisme classé ou d'une chambre d'hôte, sont éligibles au régime de déclaration simplifiée des microentreprises. Pour les loyers perçus en 2023, il est attendu que ces seuils soient relevés à 77.700 euros et 188.600 euros .
Régime simplifié ou réel
Ce mode d'imposition dit du micro-BIC permet d'obtenir un abattement forfaitaire sur les loyers de 50 % (ou de 71 % pour les meublés classés ou chambres d'hôte) avec un minimum de 305 euros. Cet abattement est octroyé pour tenir compte des charges liées à la location. Avec ce régime fiscal, le contribuable n'a pas besoin de justifier de ses frais, il rapporte simplement à l'administration le chiffre d'affaires dégagé. Voilà pourquoi il est qualifié de régime déclaratif simplifié.
En revanche, le micro-BIC ne permet pas de déduire pour leur montant réel les charges inhérentes au logement. En cas de lourds travaux ou d'emprunt immobilier onéreux, l'abattement automatique peut se révéler inférieur aux frais réellement supportés. Le cas échéant, le ménage peut renoncer au micro-BIC et opter pour le régime réel. Cette option doit être exercée avant la date limite de dépôt de la déclaration des revenus, soit entre mai et juin selon le département de résidence. Avant 2022 , la fenêtre de tir était plus courte, la date butoir étant fixée au 1er février.
Au-delà des seuils de revenus précédemment évoqués, déclarer au réel n'est plus une option. Cela devient obligatoire. Il en va de même pour « les loueurs en meublé professionnel qui relèvent automatiquement du régime du réel », rappelle Jérôme Barré, avocat associé au sein du cabinet Yards.
Proratisation des charges
En choisissant le régime réel, dans le cadre de la location de tout ou partie de sa résidence principale, le ménage peut déduire de ses revenus locatifs « l'ensemble des charges effectivement supportées dans l'intérêt de cette activité à condition de pouvoir en justifier », précise Jérôme Barré. Il peut s'agir du montant des travaux, des dépenses locatives, de l'achat du mobilier et de l'équipement, de la taxe foncière, ou encore des intérêts du prêt immobilier. Dans un contexte d'augmentation des taux d'emprunt et de pression à la rénovation énergétique des logements , cette possibilité peut retenir l'attention des contribuables.
Mais, attention, il ne s'agit pas de déduire l'intégralité de ces frais. « Les charges sont déductibles au prorata de la surface louée et du nombre de jours de location », précise « aux Echos » la Direction générale des finances publiques (DGFIP). « Par exemple, pour une personne donnant en location une chambre meublée, la surface louée comprendra la chambre elle-même, l'accès à la chambre, la salle de bains, les sanitaires et éventuellement la cuisine », illustre Jérôme Barré. Il faut donc poser l'opération pour déterminer l'option fiscale la plus avantageuse. En fonction de la durée et de la surface d'occupation du locataire, l'avantage offert par le régime réel peut se révéler inférieur à l'abattement automatique du régime micro.
Concrètement, un ménage louant 60 nuitées par an son appartement, à raison de 150 euros la nuit, dégage ainsi 9.000 euros de revenus annuels. Pour que le régime réel soit plus intéressant, il faut que le montant des frais déductibles dépasse 4.500 euros. Comme le logement est loué 60 jours par an, cela correspond à un niveau total de charges, avant proratisation au nombre de nuitées loué par an, de 27.375 euros de charges annuelles. Cette somme, importante, peut être difficilement atteignable, à moins par exemple d'avoir fait de lourds investissements, combinés à un crédit immobilier en début de remboursement.
Complexité administrative
D'autant plus qu'il faut être en mesure de la justifier en cas de contrôle de l'administration fiscale. Le choix du régime réel d'imposition nécessite en effet la tenue d'une comptabilité. « Celle-ci doit être conforme au code du commerce et au plan comptable général. Pour cela, il est possible de faire appel à un expert-comptable. Il faut également déposer une déclaration de résultat n° 2031 et ses annexes (bilan, compte de résultat…) puis reporter les montants sur la 2042C Pro », rappelle la DGFIP.
Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l'université Rouen-Normandie, évoque une autre limite au recours du régime réel pour la location de sa résidence principale. « Dans ce cas de figure, les bénéfices industriels et commerciaux sont a priori des BIC non professionnels. De fait, si les propriétaires dégagent un déficit, ils peuvent l'imputer uniquement sur les BIC non professionnels des 10 années suivantes. Ceux ayant le statut de loueurs professionnels peuvent imputer leur déficit sans limitation sur leurs autres revenus, non liés à la location. Et dans le cas où le revenu global serait insuffisant, le déficit est reportable les années suivantes », explique Frédéric Douet. Ce report est possible pendant 6 ans précisément.
Perte du statut de résidence principale ?
A plus longue échéance, les ménages mettant en location leur habitation peuvent aussi se questionner sur le traitement fiscal de leur logement lors de sa revente. L'administration considérera-t-elle qu'il s'agit d'une résidence principale pleine et entière et qu'à ce titre, l'éventuelle plus-value sera exonérée d'impôt ? « Dès lors que le contribuable n'a pas le statut de loueur meublé professionnel, cela ne me semblerait pas logique de dire qu'il y a une plus-value professionnelle et donc imposition », analyse Frédéric Douet.
« L'exonération pour résidence principale devrait trouver à s'appliquer », estime également Jérôme Barré, en apportant toutefois une nuance. « Tout est affaire de cas particulier : une location durable, sur plusieurs années, d'une fraction d'un appartement qui serait divisé en deux et qui disposerait de deux entrées indépendantes, pourrait faire perdre à son propriétaire l'exonération souhaitée », évoque-t-il.
Pour les contribuables assujettis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), les fiscalistes consultés évoquent les mêmes arguments et nuances. Le fait que le logement demeure la résidence principale du ménage devrait, à leur sens, continuer à leur permettre de bénéficier de l'abattement de 30 % sur la valeur du bien. « On peut s'interroger toutefois sur le point de savoir s'il n'y aurait pas lieu de retrancher du bénéfice de l'abattement la fraction qui serait louée à la date du 1er janvier, dans le cas d'une location durable », souligne Jérôme Barré.
Source : Les Echos
Par Marie-Eve Frénay
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